La fin de l’année scolaire est le moment idéal pour célébrer les réalisations des élèves de Passeport et celles des personnes inspirantes qui les ont accompagnés tout au long de leur parcours. Parmi elles se trouve Darlene Lanceley, gestionnaire de programme à Passeport Saskatoon, femme crie et membre de la Première Nation Mistawasis Nehiyawak, éducatrice de longue date, militante pour les droits des Autochtones et défenseuse engagée des jeunes et de l’éducation.
Après avoir soutenu quatre cohortes, Darlene prendra sa retraite après la cérémonie de remise des diplômes cette année. Son message aux jeunes d’aujourd’hui et de demain est sans ambiguïté : « Je veux qu’elles et ils s’épanouissent pleinement et puissent dire “je mérite mieux”. Que ces jeunes utilisent leur voix, parce que dans le mot “voice” (voix), il y a I-C-E : Identité, Choix et Émancipation. »
À l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones, nous avons demandé à Darlene de témoigner au sujet de son parcours, de son engagement à transformer l’éducation pour les peuples autochtones, et de ce qu’elle espère pour les générations futures.
J’ai commencé ma carrière en éducation en 1985 — ouf, ça fait peur à dire comme ça! À cette époque-là, il n’y avait pas beaucoup de personnel enseignant autochtone, pas de programmes adaptés à notre culture, ni d’apprentissage basé sur la terre. Les inégalités qu’on observait — et qu’on voit encore aujourd’hui — sont là depuis longtemps dans le système d’éducation.
Moi-même, j’ai fini mon secondaire dans une école où on était seulement trois élèves autochtones. À ce moment-là, personne ne croyait qu’on avait ce qu’il fallait pour réussir. Alors, mon cousin et moi, on s’est fait une promesse à 13 ans : finir notre secondaire à tout prix. Et, dans un tout petit murmure qu’on n’osait même pas dire à voix haute, il y avait aussi cet espoir : « Peut-être qu’on pourrait aller à l’université, nous aussi… » Aujourd’hui, je suis fière de dire que mon cousin et moi avons tous les deux été nommés premiers de notre promotion universitaire.
Darlene a commencé sa carrière dans le milieu de l’éducation il y a plus de quarante ans, dans une garderie des Premières Nations. Elle a également siégé au conseil jeunesse chargé de créer une école secondaire qui répondrait au besoin d’adapter les cursus scolaires pour les élèves autochtones en milieu urbain, à Saskatoon. Aujourd’hui, cette école — Oskāyak — fait partie des établissements partenaires de Passeport Saskatoon. |
Toute ma carrière a tourné autour de l’éducation, sous plusieurs angles différents, mais toujours avec le même but : améliorer la vie des élèves de demain. Quand j’ai commencé à enseigner, il n’y avait pas de soutien et on ne prenait pas en compte la perspective des élèves des Premières Nations et des élèves métis. C’est ce qui m’a poussée à fonder le Conseil des étudiants autochtones à l’Université de la Saskatchewan. J’ai aussi travaillé à la rédaction de programmes scolaires, à l’analyse de politiques publiques et à la gouvernance. Il y a trente-six ans, le 14 avril 1989, j’ai fait partie des milliers de personnes arrêtées partout au pays pour avoir défendu notre droit inhérent à l’éducation, en tant que peuples autochtones. Aujourd’hui encore, j’ai 25 ans dans mon cœur, et je me dis : « Je ne vais pas obéir ! » Pour moi, l’important a toujours été d’être moteur de changement.
Pendant 130 ans, les peuples autochtones n’ont pas eu le droit d’aller au postsecondaire. C’était illégal pour nous d’accéder à l’éducation. Les pensionnats, ce n’était pas de l’éducation. Personne n’en est sorti « diplômé » — on parle de survivants, et ce n’est pas pour rien. Mais regardez ce qu’on a réussi à faire ici, à Passeport Saskatoon : les jeunes finissent leur secondaire à temps. C’est puissant. Ça veut dire que les jeunes avancent enfin étape par étape.
Lors de la rafle des années soixante, Darlene fit partie des nombreux enfants autochtones arrachés de force à leur famille et à leur communauté. « Ma mère a survécu aux pensionnats, et j’ai réussi à retrouver son dossier scolaire. Elle portait le numéro 383. Et le numéro 383 voulait devenir infirmière », raconte Darlene. Grâce à son travail avec Passeport Saskatoon, Darlene a pu donner vie à ce rêve — en guérissant divers maux par le biais de l’éducation. |
Sans Passeport, ces élèves n’auraient peut-être jamais osé rêver d’aller aussi loin. On leur a montré qu’il était possible de se tourner vers l’avenir tout en étant en confiance. Passeport nous a permis de faire valoir nos droits issus des traités dans un milieu urbain, et de servir les jeunes des Premières Nations et métis à une échelle qu’on n’aurait jamais pu imaginer avant.
Une fois que les jeunes intègrent Passeport, on peut les aider à croire en eux-mêmes. Leurs notes s’améliorent, on les soutient avec des bourses d’études, on les emmène visiter des établissements postsecondaires, les élèves retrouvent un sentiment de sécurité et de plaisir. On a aussi pu offrir des expériences d’apprentissage en lien avec le territoire, et faire découvrir la vie en communauté à des jeunes autochtones en milieu urbain qui n’étaient jamais allés dans une réserve. Les jeunes se reconnectent à leur culture — elles et ils font du perlage, fabriquent des jupes à rubans, participent avec nous à des cérémonies comme la danse du soleil ou la danse du cheval. Quand on prend du recul, on réalise que ce sont tous ces petits pas qui mènent à ce grand moment qu’est la remise des diplômes.
Quand je pense à tout ce qu’on a pu accomplir, je vois que la participation des élèves est au cœur de toute notre action. Aujourd’hui, ces jeunes sont capables de se voir dans des rôles de leadership. Elles et ils sont déjà des leaders pour la prochaine génération — et la guident dans la bonne direction.
Depuis l’ouverture du programme Passeport local en 2017, Darlene a contribué à rejoindre des élèves autochtones dans 58 quartiers différents de Saskatoon. Cette initiative qui avait commencé avec 42 élèves en compte aujourd’hui 350, dont plus de 200 diplômées et diplômés. Rien que cette année, 61 élèves obtiendront leur diplôme — et plusieurs d’entre elles et eux seront les premiers de leur famille à le faire. |
C’est ça, briser un cycle. Je suis une survivante de la rafle des années soixante, et je fais partie de la première génération à ne pas avoir été envoyée dans un pensionnat. Mes enfants sont la deuxième génération à y avoir échappé — et la première à ne pas avoir été arrachée à sa famille. Nos jeunes ont brisé des cycles, et vont continuer de le faire.
Je serai toujours reconnaissante envers Passeport et l’héritage précieux que je peux laisser derrière moi. C’est profondément touchant de faire partie d’un milieu qui donne de l’espoir aux jeunes, qui leur montre ce qu’ils peuvent accomplir. C’est ensemble que ces élèves obtiennent leur diplôme. C’est ensemble qu’elles et ils guérissent. Et c’est ensemble que ces jeunes réalisent leurs rêves.
Darlene et son équipe ont veillé à ce que les élèves puissent renouer avec leur culture et apprendre à bâtir leur avenir. |
En cette Journée nationale des peuples autochtones, nous rendons hommage à l’impact de Darlene et à la relève autochtone qui porte maintenant le cycle de la réussite et des possibles encore plus loin. Derrière la réussite de chaque élève qui reçoit son diplôme cette année, il y a un peu du parcours et du rêve de Darlene.
REGARDEZ LE REPORTAGE DE CBC NEWS | Le programme Passeport pour ma réussite aide un plus grand nombre d’élèves autochtones à obtenir leur diplôme:
*Disponible en anglais uniquement.
LISEZ LE REPORTAGE DE CBC NEWS | Un programme à Saskatoon aide les élèves autochtones à réussir au secondaire et au-delà :
*Disponible en anglais uniquement.